Le Grand-Est et le Bade-Wurtemberg : faire de la région un "laboratoire" d’intégration et de coopération

Les citoyen.ne.s du Bade-Wurtemberg et du Grand Est entament bientôt la deuxième session du dialogue citoyen franco-allemand sur la coopération transfrontalière en temps de Covid-19. Manon Potet, coordinatrice du projet à Missions Publiques, revient sur les enjeux de ce processus délibératif et nous donne un aperçu des recommandations élaborées par les participants des deux côtés du Rhin.

Pourquoi avoir initié un dialogue citoyen franco-allemand ? Quelles sont les prochaines étapes ?

L’idée de lancer ce projet est née au plus fort de la crise sanitaire : nous avons observé que dans la région du Rhin supérieur, caractérisée par la libre-circulation des personnes, la pandémie de COVID-19 et la fermeture des frontières au printemps 2020 ont montré que les échanges et la coopération ne pouvaient être considérés comme acquis. L’objectif de cette démarche est donc de tirer les leçons de ce contexte particulier pour renforcer la cohésion, le vivre et le faire ensemble sur la région transfrontalière, en donnant la parole aux premier.ère.s concerné.e.s par les politiques de coopération : les habitant.e.s. Ce dialogue franco-allemand ouvre également un espace d’échanges entre les habitant.e.s de la Région Grand Est et du Land du Bade-Wurtemberg, qui se parlent très peu, sur leur vécu respectif de la crise sanitaire, leur expérience de la coopération transfrontalière, et leurs aspirations et recommandations pour l’avenir de cette coopération.

Nous sommes maintenant à la deuxième moitié de la démarche : deux sessions de travail ont eu lieu, en décembre 2020 puis en février dernier, avec une trentaine de participant.e.s, 15 côté français et 15 côté allemand. La première session était consacrée à un bilan de la période COVID-19 et du vécu des participant.e.s, ainsi qu’à un bilan de la coopération transfrontalière (les institutions, projets existants etc.). Le groupe a également identifié les thématiques qu’il souhaitait creuser, et sur lesquelles il aimerait avoir plus d’informations. Nous avons invité des intervenant.e.s pour les deuxième et troisième sessions, sur ces thématiques prioritaires. Après cette phase de bilan, les participant.e.s ont commencé à se mettre d’accord sur des recommandations : billet unique transfrontalier, renforcement des formations bilingues,  bourse des emplois transfrontaliers, chantiers participatifs transfrontaliers pour les habitant.e.s de chaque côté du Rhin… Les propositions sont diverses et touchent à tous les domaines de la coopération transfrontalière !

 Pour la suite : une troisième session se tient les 19 et 20 mars, durant laquelle les participant.e.s vont approfondir et consolider les recommandations. Lors de la dernière session qui aura lieu les 16 et 17 avril, les participant.e.s vont adopter leur avis, comprenant une introduction sur leur vision de la coopération dans ce contexte particulier, puis la liste de leurs propositions développées. A l’issue de cette session, les participant.e.s remettront leurs recommandations aux élues embarquées dans le processus, Claudine Ganter côté Grand Est, et Gisela Erler côté Bade-Wurtemberg.

« Comme souvent sur ce type de démarches, je suis impressionnée par la grande qualité des échanges et des propositions formulées par les participant.e.s.

Manon Potet

Cheffe de projets participatifs
chez Missions Publiques

A mi-chemin du dialogue citoyen, quelles recommandations peux-tu déjà partager avec nous ?

Comme souvent sur ce type de démarches, je suis impressionnée par la grande qualité des échanges et des propositions formulées par les participant.e.s. Lors de la première session, les participant.e.s ont échangé sur leur vision de ce qui s’est passé sur leur territoire au plus fort de la crise sanitaire, au printemps 2020. L’envie d’aller vers plus de coopération transfrontalière, voire de faire de leur région un « laboratoire » d’intégration et de coopération pour le reste de l’Europe, est très forte au sein du groupe. Tou.te.s ont dit avoir fortement regretté la fermeture des frontières et surtout les tensions aux frontières, comme les agressions de travailleur.euse.s frontalier.ère.s. Il est évident qu’une telle situation ne peut pas se reproduire, notamment au regard de l’histoire commune des deux pays. L’idée serait donc de s’intéresser aux enjeux territoriaux des processus d’intégration régionale en levant les barrières liées à la présence de la frontière.

Une anecdote plutôt drôle cette fois : lors de la deuxième session, nous avons évoqué à quel point l’apprentissage de la langue était facilité par un intérêt pour la culture de l’autre, un participant a évoqué le rôle de Tokio Hotel, qui aurait « fait beaucoup plus pour la promotion de l’allemand en France que certain.e.s professeur.e.s d’allemand » ! Les participant.e.s de différentes générations ont alors évoqué les artistes qui leur avait donné envie d’apprendre la langue de l’autre, de Nina Hagen à Brassens en passant par Rammstein.

 

L’un des défis de ce dialogue est sans doute l’approche multilingue de la démarche. Comment avez-vous assuré les échanges entre francophones et germanophones ?

L’organisation de ce dialogue a posé de nouveaux défis pour l’équipe et moi qui organisions une démarche bilingue et biculturelle pour la première fois. Des problématiques inédites se sont ainsi posées pour faire en sorte que chacun.e se comprenne et se sente représenté.e, tout en assurant une fluidité des échanges. Une équipe d’interprètes, un.e par sous-groupe et pour les plénières, a ainsi été mobilisée pour assurer la traduction en simultanée pendant les sessions. Pendant les animations, nous avons redoublé de vigilance pour garantir que les prises de paroles soient diversifiées et permettent un véritable échange entre les participant.e.s français.es et allemand.e.s. Au début de chaque session, nous prenons toujours une heure pour échanger en plénière de la situation et des mesures dans chaque pays, ce temps de reprise de contact étant nécessaire et précieux pour les participant.e.s ayant peu l’occasion d’échanger avec les citoyen.ne.s du pays voisin.

Un autre défi est aussi de garantir l’interactivité des échanges alors que tout se déroule en ligne (nous aurions adoré pouvoir réunir le groupe en présentiel, mais la situation sanitaire ne nous le permet malheureusement pas). Il a fallu trouver des outils pour rendre les sessions interactives et engageantes pour les participant.e.s, notamment lors des présentations en plénières d’intervenant.e.s externes. Nous faisons ainsi en sorte d’alterner plénière et sous-groupes, de privilégier des formats de présentation courts et des temps de questions/réponses et échanges plus longs avec les intervenant.e.s, et d’utiliser des outils interactifs en ligne, comme Sli.do ou Miro pour permettre notamment aux participant.e.s moins à l’aise pour prendre la parole lors des plénières de s’exprimer par l’écrit.

 

Un mot sur les partenaires ?

Nous travaillons en étroite collaboration avec le Land Bade-Wurtemberg et la Région Grand Est. Quand nous leur avons proposé le projet, ils n’ont pas hésité à s’engager avec nous. Leur soutien et leur enthousiasme a été un énorme soutien pour la mise en place du dialogue. De même, le Fonds citoyen franco-allemand nous a soutenu financièrement et a fait de notre dialogue franco-allemand un des projets-phares soutenus cette année. C’est grâce à ces partenaires, soutenants et conscients des enjeux démocratiques et de coopération transfrontalière que ce projet a pu voir le jour. Nous les remercions pour cela.

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