Renforçons le droit à la participation des citoyen.ne.s

La Convention citoyenne pour le climat, les résultats du second tour des élections municipales, la réforme du Conseil économique social et environnemental (CESE)[1] et l’élargissement du portefeuille de Marc Fesneau à la participation citoyenne offrent des perspectives prometteuses aux processus de démocratie participative en lien avec les décisions politiques. Nous, acteur.trice.s et analystes de la participation citoyenne et de la gouvernance publique, souhaitons que le droit à la participation[2] soit élargi pour que cette pratique infuse plus largement dans la société et pour que de plus en plus de citoyen.ne.s y participent.

 

Dans sa réponse aux membres de la Convention citoyenne pour le climat, le 29 juin 2020, Emmanuel Macron a rendu hommage à la qualité du travail conduit ainsi qu’à l’engagement rigoureux des 150 citoyen.ne.s durant 9 mois : « cette aventure démocratique et humaine qui constitue une première mondiale par son ambition et son ampleur ». Les 150 citoyen.ne.s tiré.e.s au sort ont travaillé à leur objectif de « réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 10 ans » sur un temps long : 7 week-ends de 2 jours et demi, 150 heures de dialogues en ligne organisés entre les sessions et des centaines d’heures de rencontres locales en plus des sessions. Un investissement à la hauteur de l’objectif initial.

Un « statut » de citoyen.ne.s participant.e.s ?

Le système du tirage au sort est de plus en plus souvent privilégié. Il présente trois intérêts : avoir une représentation de la diversité de la population la plus large possible, aller chercher des personnes qui n’auraient pas envisagé de participer et donner une chance égale à toute personne de participer activement à la prise de décision collective.

Pour participer à une convention à grande échelle ou à une concertation locale sur des sujets importants, les citoyen.ne.s participant.e.s, tiré.e.s au sort ou invité.e.s, ont besoin de dégager du temps physique et de la disponibilité d’esprit, qu’il s’agisse de personnes éloignées de l’emploi, de parents célibataires ou de cadres. Aujourd’hui, des salarié.e.s se voient parfois refuser des congés par leur employeur ne comprenant pas l’intérêt civique de la démarche.

Cet engagement ne va pas non plus de soi. C’est pourquoi la reconnaissance plus formelle d’un « statut » de citoyen.ne participant.e permettrait l’exercice effectif d’un droit à la participation, de toucher le plus de situations et de catégories sociales possibles et de libérer le temps nécessaire pour que les citoyen.nes puissent s’investir sans contrainte sur une période donnée. Il ne s’agit pas de créer une « caste » de citoyens professionnels  représentant les autres citoyens, mais bien de faciliter l’implication de chacun.e et la rotation des citoyen.ne.s participant.e.s. Il s’agit d’en reconnaitre la valeur, en l’inscrivant dans un cadre légal, comme c’est le cas du tirage au sort des jurés d’assises.

Cela pourrait aussi être une reconnaissance des compétences acquises, une expérience à valoriser dans une vie professionnelle, une contribution nécessaire et non utilitariste au bon fonctionnement de la société au même titre que l’engagement des bénévoles associatifs (validation des acquis de l’expérience par exemple). Il permettrait enfin de reconnaître la qualité du temps consacré à des démarches d’intérêt général.

L’élaboration de ce statut serait une occasion de débattre, y compris par une délibération citoyenne: faut-il rendre obligatoire la participation en cas de tirage au sort ? Sur quelle base et à partir de quelle intensité et durée faut-il indemniser les citoyen.ne.s ? Quelle valeur sociale pour le temps civique aujourd’hui ? Comment élargir les concertations aux étranger.e.s résident.e.s ? Quid des mineur.e.s ?

Saisissons-nous des aspirations démocratiques

La crise sanitaire, économique et sociale est venue perturber les priorités des candidats au 2ème tour des élections municipales. Dans les programmes, une place importante a été faite à la démocratie locale sous différentes formes : assemblées citoyennes, budgets participatifs, réunions publiques, consultations de corps intermédiaires etc. Des chercheur.se.s ont récemment montré[3] qu’il y a eu une assez forte corrélation entre l’attention portée pendant la campagne à l’enjeu démocratique et la participation électorale. S’il est trop tôt pour en mesurer durablement l’effet, il serait en revanche dommage de passer à côté de cet élan.

Profitons des possibilités qu’offrent l’organisation d’autres conventions citoyennes, la prise en main de ces sujets par de nombreux élu.e.s et les aspirations des Français.es.s en matière de participation issues du Grand débat national pour les aider à exercer cette capacité à délibérer. Et pourquoi pas, à l’aube de la conférence sur l’avenir de l’Europe, poursuivre ces réflexions au niveau européen? Un statut éphémère mais essentiel qui leur garantira d’être libéré.e.s de leur activité professionnelle le temps de leur mobilisation, de pouvoir garder l’anonymat nécessaire à la liberté de parole et la protection de leur vie privée, de reconnaître les compétences acquises, tout en étant justement indemnisé.e.s pour leur temps. Une condition indispensable à une participation de toutes et tous à des expériences délibératives pour de meilleures décisions politiques.

Premiers signataires

Yves Mathieu, fondateur et co-directeur de Missions Publiques
Judith Ferrando, co-directrice de Missions Publiques
Antoine Vergne, co-directeur de Missions Publiques

Antoine Anderson, président de Particip’Action
Sophie Aouizerate, consultante – formatrice, Raisonnances
Jacques Archimbaud, ancien vice-président de la CNDP, garant de concertations
Maxime Barbier, directeur associé Bluenove
Fanette Bardin, co-présidente de Démocratie Ouverte
Jean-Yves Boulin, sociologue, Université Paris Dauphine
Antoine Brachet, directeur associé Bluenove
Anne Chevrel, consultante et fondatrice de Vox Operatio
Guillaume-Alexandre Collin, directeur associé Bluenove
Michel Crunenberg, consultant
Dominique Desjeux, professeur émérite, Sorbonne
Virgile Deville, cofondateur d’Open Source Politics
Bastien Engelbach, responsable associatif
Frank Escoubès, co-fondateur et co-président de Bluenove
Charles Fournier, vice-président délégué à la transition écologique et citoyenne, à la coopération de la Région Centre-Val de Loire
Magali Fricaudet, fonctionnaire territoriale et co-présidente de l’AITEC (Association internationale de techniciens, experts et chercheurs)
Guillaume Gouffier-Cha, député du Val-de-Marne
Pierre-Yves Guihéneuf, délégué général de l’Institut de la concertation et de la participation citoyenne
Mathilde Imer, co-présidente de Démocratie Ouverte et membre du comité de gouvernance de la Convention Citoyenne Climat
Pascal Jarry, fonctionnaire territorial en Occitanie, directeur de la mission Démocratie participative/Egalité femmes-hommes au conseil départemental de Haute-Garonne
Bruno Lafosse, directeur général de l’agence Boréal
Sylvie Landriève, directrice du Forum Vies Mobiles
Erwan Lecoeur, sociologue – consultant
Armel Le Coz, co-fondateur et coordinateur de Démocratie Ouverte
Rémi Lefèbvre, politologue
Thierry Lepesant, conseiller municipal d’Angoulins
Patrice Levallois, co-auteur du jeu du Tao, auteur et producteur télé
Alexis Martin, maire adjoint de Nanterre à la démocratie et à la participation citoyenne
Olivier Merelle, directeur associé de Planète Citoyenne
Nathalie Meusy, juriste, organisatrice du premier débat citoyen sur l’espace en Europe
Camille Morio, maîtresse de conférences en droit public, Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye
François Mouterde, directeur associé de Planète Publique
Julien Neiertz, fondateur et dirigeant de Sphérik&Co
Gérard Perreau Bezouille, premier adjoint honoraire de Nanterre
Bernard Reber, philosophe, CNRS-Cevipof-Sciences Po
Alain Renk, architecte urbaniste, Laboratoire Host, Réseau 7 Milliards d’Urbanistes
Bolewa Sabourin, Danseur et co-fondateur de l’association LOBA
Quentin Sauzay, co-président de Démocratie Ouverte
Martin Serralta, directeur du développement à l’Institut des futurs souhaitables
Benoit Simon, directeur associé de Planète Publique
Julien Talpin, chercheur en science politique au CNRS, co-directeur du GIS Démocratie et Participation
Antony Zacharzewski, président The Democratic Society

[1] Le CESE va devenir la chambre des futures conventions citoyennes
[2] La convention d’Aarhus est un accord international sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Il a été signé le 25 juin 1998 par 39 États.
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