Vers une démocratie représentative renouvelée en 2020 ?

Dans un contexte national et international instable et changeant, l’échelon local semble être une bouée de sauvetage pour les citoyens, à l’aune de transitions importantes pour et dans la société. C’est du moins ce qu’il ressort du dernier sondage IFOP[1] (janvier 2020) où les élus locaux sont désignés comme les premiers acteurs à « agir pour le bien-être des citoyens » (65%) et les premiers à « défendre les préoccupations des citoyens dans le débat public » (60%). Si on ne peut que se féliciter de ces pourcentages, la demande de davantage de démocratie et de plus de participation citoyenne ne s’est jamais faite autant ressentir qu’aujourd’hui[2]. Dans son analyse des programmes électoraux[3], l’équipe de Missions Publiques s’est demandée comment les élections municipales de 2020  ont été influencées par ces aspirations et si les programmes présentés marquent – ou non – un infléchissement de la conception de la démocratie représentative à l’échelle locale.

Des institutions solides

Un premier constat s’impose à la lecture des programmes : il n’est pas question de révolutionner le système représentatif. La plupart des candidat.e.s sont attaché.e.s aux instances actuelles de la démocratie représentative  (conseil municipal, mairie comme lieu central) et de la démocratie participative institutionnalisée (conseils de quartier notamment). Ils.elles reconnaissent toutefois que la situation peut être améliorée, notamment dans l’accès des citoyen.ne.s à ces instances. De nombreuses propositions visent en effet à décloisonner ces lieux, à les rendre plus accessibles. Nous l’avons d’ailleurs en ce qui concerne les conseils municipaux lors d’un précédent article (<Lien>). Au niveau des comités et conseils de quartiers, des propositions tendent à en élargir l’accès et le pouvoir : participation possible dès 16 ans, financement dédié, pouvoir d’auto-saisine… Si de nombreuses initiatives ont déjà été prises dans ce sens dans certains comités de quartiers, la tendance se poursuit donc vers une plus grande systématisation de ces pratiques. Il y a également une volonté de renforcer la démocratie de proximité en offrant des instances de participations proches physiquement des habitant.e.s et qui assurent la prise en compte des expressions citoyennes. De nombreux programmes mettent en avant la volonté de renforcer l’assise territoriale en réduisant la taille des quartiers ou en renforçant les pouvoirs des mairies d’arrondissements.

Davantage de transparence

Si le système en place n’est pas remis en question dans ses fondements, la nouveauté est l’irruption dans les programmes d’un impératif de transparence et de reddition de compte. Ces exigences ont d’ailleurs été au centre des discussions lors du mouvement des gilets jaunes et du grand débat national[4].  Si la question du cumul des mandats, du montant des rémunérations ou du budget municipal a déjà fait l’objet de nombreux débats et de nombreuses discussions, ces enjeux sont rappelés à plusieurs reprises par les candidat.e.s. La retransmission des réunions publiques et des conseils municipaux, de même que la publication en ligne des documents importants, en vue d’assurer une transparence publique ont également été abordés. Les mentions du développement de « contrat moral » ou de « charte démocratique » témoignent de la volonté d’établir une relation de confiance et de proximité entre les élus et les citoyen.ne.s. Là aussi c’est une tendance existante qui s’amplifie ici[5]. Un autre aspect plus novateur et qui témoigne de l’intérêt grandissant des habitant.e.s pour la bonne gouvernance, est la volonté de contrôler le bilan de l’action communale, qui doit répondre à des exigences de démocratie et de participation citoyenne. Certain.e.s candidat.e.s proposent un « observatoire », d’autres une « autorité indépendante » avec une volonté claire : assurer que la voix des citoyen.ne.s a été écoutée et prise en compte.

Des modèles alternatifs ?

Nous évoquions dans notre premier article (ici) la créativité des programmes des candidat.e.s aux élections municipales. Certain.e.s d’entre elles.eux n’ont pas simplement voulu améliorer des modèles existants mais ont souhaité inventer, créer des nouvelles instances. Les maitres mots de ces dernières sont : expertise d’usage, innovation publique et lieu  de ressources. D’une part, ces « Maisons de la démocratie » ou « Assise du pouvoir partagé » souhaitent porter et diffuser la voix des habitant.e.s, ces membres d’une communauté, qui par leur activités et leurs expériences peuvent nourrir le débat public. D’autre part, ces nouvelles instances pourraient être un catalyseur des idées citoyennes qui souhaitent partager et diffuser leurs projets pour la communauté. Enfin, de nombreux.ses candidat.e.s souhaitent faire de ces instances des lieux de ressources, d’outillage des expériences démocratiques mais également des lieux de formation, pour améliorer la qualité des débats et des discussions, qu’elles soient menées par les citoyen.ne.s ou les élu.e.s. Si le statut de ces lieux n’est pas toujours défini (avis contraignant pour l’autorité ? avec ou sans élus ? rôle d’évaluation ou de recommandation), nul doute que ces initiatives auront un impact sur la démocratie représentative de demain.

[3] Pour réaliser cet article, l’équipe de Missions Publique a analysé 45 programmes électoraux dans les 15 villes les plus peuplées de France (Bordeaux, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Reims, Rennes, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulouse, Toulon) 
[5] Voir notamment le dossier de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne sur les chartes de la participation : https://i-cpc.org/les-chartes-de-la-participation/
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